Mécanique du virage en parapente

Voilà un sujet qui a déjà bien usé nos claviers. La mécanique du virage en parapente. Qu’est-ce que j’ai déjà pu passer du temps là-dessus… Et puis ce printemps, j’ai pris mon courage à deux mains et j’ai ouvert le dossier !


Avec l’aide précieuse d’Olivier Caldara (qui a écrit de nombreux articles à ce sujet… une des raison d’ailleurs qui m’a poussé à essayer de synthétiser tout ça), de quelques bouquins, de recherches sur internet et de mes connaissances, j’ai enfin pu synthétiser tout ça dans cet article.

Comment tourne un parapente ? Ca y est je me lance !

 

1. Les axes

Si vous connaissez les 3 axes, vous pouvez comprendre le fonctionnement du virage… Que ce soit en parapente ou en avion. Un beau schéma vaut mieux que de longues explications.

Les 3 axes : lacet, roulis et tangage 

Axes roulis lacet tangage

Les axes… suite

Un parapente tourne d’une part par le déplacement du poids du pilote. L’aile s’incline alors en roulis. C’est léger, sur certaines ailes, c’est à peine sensible.

Par contre ce roulis induit du lacet. Et ça on le voit très rapidement.

Bien sûr, on tourne aussi avec les freins. En baissant un frein, l’aile tourne en roulis et lacet. Et ce lacet induit aussi du roulis… pas simple hein ?

Et puis comme on peut le voir sur le schéma ci-dessous, si vous regardez les flèches de directions, on voit bien qu’il y a aussi une rotation autour de l’axe de tangage.

On voit donc que l’aile tourne bien autour des 3 axes

 

Virage en parapente 3 axes

2. Physique élémentaire

On va parler forces, moments de forces et vecteurs. Si vous connaissez, passez direct au point 3. Mais si c’est loin ou que vous maîtrisez mal le sujet, prenez quelques minutes pour remettre tout ça dans l’ordre.

Une force modélise, en physique classique, une action mécanique exercée sur un objet ou une partie d’un objet par un autre objet ou partie d’objet (source Wikipédia).

Une force peut-être « translatée », donc déplacée latéralement.
Et elle peut être additionnée. Comme on le voit sur le schéma ci-dessus.

 

Forces, vecteurs, translations, additions
Moment d'une force

Le moment d’une force par rapport à un point donné est une grandeur physique vectorielle traduisant l’aptitude de cette force à faire tourner un système …

Pour cela, on identifie un bras de levier (L)  qui tourne autour d’un point de rotation (dans notre cas, le centre de gravité) et qui est « actionné » par une force (dans notre cas la force de traînée ou la RFA)

 

 

En parapente aussi il y a des Forces, des bras de leviers et des moments de force

Parapente virage force et moment de force

3. Le virage sellette

Nous allons partir du principe que l’aile est « bien conçue » (nous verrons dans un prochain article que la forme de la voûte, la longueur du cône, le réglage des freins… influent directement sur la qualité du virage).

Revenons au virage sellette. Une aile qui vole droit voit sa portance bien répartie symétriquement autour de sa voûte.

Comme on le voit sur cette image, la RFA (Résultante des Forces Aérodynamiques) est dans l’axe de symétrie de l’aile, et passe par le CG (pilote)

L’aile est équilibrée.

 

 Virage sellette : 1er effet de roulis

Mais si le pilote déporte son poids sur la gauche, la répartition du poids ne sera plus symétrique autour de la voûte.

Le CG (environ à la tête du pilote) sera situé un peu sous l’aile gauche, alors que la RFA est toujours symétrique, ce qui va générer un bras de levier par rapport à la ligne de force de la RFA, et donc un moment de rotation autour du CG.

Donc l’aile se déporte vers la gauche. Elle s’incline à gauche en roulis si vous préférez.

En réalité, la RFA lors d’un appuis sellette, se décale très peu côté appuis. Ce qui explique que le roulis est faible. La force est importante, mais le bras de levier très court. Donc un moment de F assez faible.

 

 

Virage en parapente symétrique aux freins
Virage parapente roulis sellette

Virage sellette : 2ème effet de roulis

Lorsqu’un pilote se penche dans la sellette, la voûte se déforme. Au centre, un certain nombre de caissons se plient vers l’intérieur du virage.

La portance, toujours perpendiculaire aux caissons, est donc dirigée (pour ces quelques caissons ou cellules) vers l’intérieur du virage. Ce qui accentue la mise en roulis.

Les deux effets sont en réalité simultanés. Je les ai dissociés uniquement pour permettre une meilleure compréhension. Et ils sont directement liés au réglage de la ventrale. Plus celle-ci est ouverte, plus le roulis est important.

 

Roulis virage parapente RFA

4. L’effet girouette

Imaginez-vous au sol en gonflage face voile avec du vent de travers.

L’aile d’où vient le vent est moins bien exposée que l’autre sur laquelle le vent relatif frappe quasiment perpendiculaire.

Il est donc assez facile de comprendre que l’aile exposée va monter plus vite que l’autre. Et donc l’aile dans son ensemble, va avoir une tendance à se mettre face au vent. C’est ça l’effet girouette.

Alors les angles d’incidence au sol lorsque nous faisons du gonflage ne sont pas les mêmes qu’en l’air lorsque nous volons… C’est donc juste pour comprendre l’effet girouette, qu el’on détail dans le point suivant.

 

Virage en parapente et effet girouette

5. Le virage sellette : Le lacet induit par le roulis

Lorsque l’aile s’incline par l’action du pilote dans la sellette (voir points 3 et 4), l’aile dérape vers le bas. De ce fait, le vent relatif ne vient plus face au profil, mais légèrement de travers. Légèrement, mais suffisamment pour que l’aile ait une tendance naturelle à aller se mettre face au vent relatif ar effet girouette… Et voilà le lacet qui arrive

 

parapente lacet sans moment

Sans dérapage  :

  • Portance identique
  • Moment nul

 

Parapente lacet avec moment

Avec dérapage :

  • Portance plus forte côté droit
  • Bras de levier en arrière du CG
  • Moment de lacet à gauche

 

7 Le virage aux freins

Nous allons aussi partir du principe que l’aile est bien conçue. Nous verrons plus loin, comme pour le virage sellette, que plusieurs paramètres influent sur la qualité du virage.

 Il est assez facile de comprendre que lorsqu’on freine la voile, le volet de frein crée de la traînée du côté freiné et que l’autre côté allant plus vite, tourne autour. Créant un ainsi un virage autour de l’axe de lacet.

 Sur le schéma ci-dessous, le volet de frein droit est baissé, créant une force vers l’arrière (FF). Le bras de levier (L) est relativement important. Le tout crée du lacet à droite

 C’est un effet de lacet direct donné par le freinage.

 

Lacet en parapente
Mécanique du virage en parapente : lacet au frein

8 Le roulis donné par le freinage

Là aussi, comme pour le virage sellette, on part d’une portance symétrique lorsque le pilote a les deux mains à la même hauteur,

La RFA est juste au-dessus du pilote. Et donc symétrique.

 Lorsque le pilote baisse la main droite, la RFA se décale et s’incline du côté freiné, Pour une aile bien réglée, l’axe de la RFA passe un peu au-dessus du centre de gravité, ce qui crée un moment de force du côté freiné.

 

Virage en parapente : roulis au frein

Petit rappel sur l’effet du frein sur un profile :

Portance traînée RFA

Sans frein

Portance traînée RFA avec frein

Avec frein :
 – La portance augmente
 – La traînée augmente
 – La RFA s’incline vers l’arrière
 – Le centre de poussée recule

L’effet de roulis direct : 

 La Portance augmente du côté droit (freiné).

 La RFA (sur l’ensemble de l’(aile) se décale et s’incline du côté freiné.

 Toujours en partant du principe que l’aile est bien conçue, l’axe de la RFA passe à gauche du pilote, ce qui crée un bras de levier qui donne un moment de roulis à droite.

 

Virage parapente aux freins asymetrique

Effet de lacet direct

 La traînée augmente du côté freiné

 Cette traînée crée un mouvement de lacet côté freiné.

 Donc l’aile tourne en lacet du côté freiné. De ce fait, le vent relatif vient du côté opposé au côté freiné.

Dérapage en parapente

Effet roulis induit par le lacet

L’incidence augmente du côté freiné à cause du dérapage provoqué par le lacet (vu ci-dessus)

 Donc la portance augmente encore du côté freiné.

 La RFA globale se décale et s’incline du côté freiné.

 Le moment de roulis augmente dû à l’effet induit par le lacet.

 C’est donc un décalage de la RFA côté freiné couplé au dérapage qui induit le roulis lorsque nous tournons en freinant.

 

Virage en parapente : le roulis induit par le lacet

He bien voilà ! J’aimerais bien dire : « c’était pas si compliqué ». Mais en réalité, si… c’est compliqué.

Remerciements

Ca c’est la partie que personne ne lit en général. Pourtant je pense qu’elle a son importance…

 D’abord, je tiens à remercier Olivier Caldara.  Sans lui, je serais resté un cancre de la mécanique de vol. Mais depuis 2006, nous échangeons sur sa passion, qui est lentement devenue la mienne.

 Cet article c’est une semaine d’échanges, d’écriture, de schémas, de corrections. Et tout ça avec Olivier.

 Je remercie aussi tous ceux qui ont relu, conseillés, relu à nouveau.

 

 

Olivier Caldara et Laurent Van Hille

A gauche Olivier Caldara. A droite Laurent Van Hille
Coupe Icare 2007. 1ère année de la commercialisation de la Ski’M 12 puis 15.
Déjà à ce moment là, j’essayais de comprendre et il essayait de m’expliquer… C’est vous dire sa patience !

 

7 Commentaires

  1. Hubert Menotti

    Merci voilà une bonne remise en mémoire de paramètres que l’on a tendance à oublier.

  2. Paul Amiell

    Je voudrais moi aussi remercier Olivier qui m’a permis de réaliser des voiles dont le virage était une qualité reconnue de tous ceux qui ont volé avec.
    Il m’a fait faire un grand pas dans ma connaissance de la mécanique de vol de nos engins, encore merci Olivier.
    Paul Amiell

  3. Arnaud

    Bonjour
    Merci pour cette présentation très précise.
    Avez vs une explication sur le tangage induis par la mise en virage?

  4. Quentin

    Bonjour,
    Je ne suis pas d’accord avec le dessin  » Virage sellette : 1er effet de roulis ».
    Quand on se penche, à aucun moment on ne modifie la répartition de portance sur l’aile. Pour ça, il faudrait changer la géométrie, l’incidence ou la vitesse. Quand on se penche, on décale le CG latéralement et ça crée le moment de roulis par rapport à la RFA qui est temporairement bien verticale. Si on maintient le déport, on aura un équilibre avec un roulis légèrement non nul pour que la RFA s’aligne de nouveau avec le CG. La répartition de portance sera légèrement affectée par le changement d’incidence provoqué par le roulis (incidence plus forte du coté déchargée, et donc l’inverse du dessin)

  5. Laurent Van Hille

    Bonjour

    A aucun moment il n’est question de portance et encore moins d’incidence, mais de répartition de la RFA entre une demi-aile et l’autre. Jusqu’à preuve du contraire, une aile plus chargée génère plus de RFA. Donc en changeant une demi-aile, elle génère plus de RFA que la demi-aile opposée.

    Donc, votre explication ne m’incite à changer ni le schéma, ni le texte

    Laurent

  6. Jp

    Laurent, d’accord une aile plus chargée génere plus de rfa. Par cette logique on est en droit de dire qu’une une aile plus chargée génere plus de vitesse. Donc appuie à droite, l’aile droite vole plus vite que l’aile gauche donc ça tourne à gauche.
    Je me range plutôt du côté de quentin avec un centre de gravité et un centre de poussé qui recherchent un alignement sur la verticale par gravité. En résulte une inclinaison à cause de nature rigide de l’aile(suspentes et aile gonflee); dérapage et modification de l’incidence de part en part du bord d’attaque.
    Vu comme ça, ma logique me dit plus de portance générée du côté opposé à l’appui sellette, par opposition plus de traîné du côté appui à causedel’inclinaison en rouli; virage côté appui.

    Jp

  7. Laurent Van Hille

    Bonjour

    Voici la réponse d’Olivier Caldara. C’est quelqu’un qui a bien plus de crédit que moi :
    « Le système n’est pas rigide mais « tendu ». Tous les points d’attache sont des points de rotation, ils ne sont pas soudés à un angle fixe. Donc le système est deformable. Comme pour simplifier un quadrangle avec un petit côté en bas (la sellette), un grand coté en haut (l’aile), et deux longs côtés qui les relient (les suspentes). Si on déforme ce truc il est dissymétrique et la portance n’est plus alignée avec le CG (voir notre papier). En plus l’aile se déforme au centre.

    Pour résumer, le système n’est pas « rigide » mais « tendu ».

    À partir de là, tout le reste de sa démonstration tombe 😁.

    Sur le CG effectivement c’est correct il est au niveau de la tête du pilote environ a 10% de la hauteur (là il a bien lu les papiers de Vol Libre… lol)

    L’histoire de « … c’est l’aile la plus chargée qui avance, », c’est aussi un peu de la connerie 😁. »

    Ca sort d’un échange entre lui et moi. Ses propos ne se veulent pas vexant.
    Laurent

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