Habitudes en parapente, les garder ou les changer
Cet article sur les habitudes en parapente trouve son origine dans une réflexion entre biplaceurs. En hiver, on change un peu nos habitudes. On a des skis aux pieds, des vêtements plus encombrants, on doit faire attention aux « grattons » de neiges qui s’emmêlent dans les suspentes, aux casques qui glissent jusqu’en bas du décollage, aux passagers mal à l’aise sur la neige et la glace. Bref le contexte n’est pas le même qu’en été.
Personnellement, il m’arrive régulièrement en début de saison d’hiver de décoller avec un élévateur torsadé ou un frein mal libéré. Rien de dangereux, mais des erreurs que je ne fais pas habituellement. ALors qu’est-ce qui a changé ?
Mon protocole de préparation ! J’ai l’habitude de me préparer de telle manière et lorsque je change ces habitudes, je prends des risques.
En fait les choses sont un peu plus compliquées que ça. Il convient d’acquérir de bonnes habitudes pendant l’apprentissage, de ne pas en prendre de mauvaise pendant sa pratique et d’essayer d’améliorer continuellement ses habitudes au cours des vols.
Et les habitudes en parapente, bonnes ou mauvaises, commencent à partir du moment où on prépare son vol et pas uniquement sur l’aire de décollage.
« L’habitude de ne pas penser est celle que l’on prend le plus aisément, et que l’on perd le plus difficilement. »De Hypolite de Livry
Automatiser les bons gestes est la première étape. Une des plus importantes aussi. Il faut donc systématiser sa check-list (*), la mentaliser, faire toujours les mêmes gestes. Afin de ne plus faire d’erreur. Et pour savoir si on est dans le vrai ou pas, il y a plusieurs moyens.
– Se remettre systématiquement en question lorsqu’un évènement imprévu arrive. L’analyser et modifier le protocole pour qu’il n’arrive plus.
– En observant les autres pilotes, qu’ils soient plus ou moins expérimentés que vous. Vous avez peut-être oublié une étape. Ou certaines parties de leurs protocoles sont peut-être meilleurs ?
– Profiter d’un stage, d’un retour en école (même ou surtout en SIV) pour faire analyser votre check-list par le moniteur.
– Organisez une réflexion au sein de votre club et observez à plusieurs la check-list de chacun des participant. C’est très formateur et ça peut se faire oralement.
Mais quoi qu’il arrive, la règle du « 1 changement à la fois » DOIT s’appliquer dans la modification d’une check-list. Modifier plusieurs points à la fois revient à « ne plus avoir de protocole ».
(*) La checklist, c’est l’ensemble des étapes incontournables pour ne pas se mettre en danger. Ne pas confondre ave la prévole !
« Les bonnes habitudes sont beaucoup plus faciles à perdre que les mauvaises. » de Somerset Maugham
Alors oui, cette phrase, que vos professeurs ou vos parents vous ont probablement soufflée à l’oreille est un peu une évidence « à deux balles ». Mais…
C’est par une remise en question permanente que l’on reste en sécurité. Les bonnes habitudes se perdent principalement par flemme, comme gagner du temps, gagner des pas, gagner des étapes. Ce n’est pas forcément mauvais de changer ses habitudes, à condition que ce changement soit un choix réfléchis et non un acte qui arrive par habitude d’habitude !
Mais nous sommes tous comme ça. C’est humain. La seule manière d’être certain de ne pas changer ses bonnes habitudes est de s’observer régulièrement. De se dire un peu régulièrement « je vais verbaliser ma préparation et mon décollage ». Et si vous avez peur d’être ridicule, faites-le dans votre tête. Mais faites-le !
Comme pour l’étape d’avant, chaque évènement inattendu doit être analysé avec le plus grand sérieux. Que ce soit un tour de sellette inhabituel, un tour de frein, une clé dans le suspentage, un casque pas attaché, … Tout doit faire l’objet d’une réflexion pour trouver l’origine de cet imprévu et tout doit-être mis en œuvre pour y remédier à l’avenir.
« Une vie simple passe par de petites habitudes qui visent à simplifier l’existence plutôt qu’à la remplir. » de Alexandre Jollien
C’est peut-être le point le plus important. Avec le temps, on a confiance dans nos habitudes, dans notre protocole. Mais notre pratique évolue. Il est donc important de faire évoluer nos protocoles en même temps. Un décollage dans du vent ne se gère pas de la même manière qu’un décollage sans vent. Idem en changeant de voile ou de sellette, …
Là encore il est important d’analyser chaque étape et d’en ajouter en fonction de l’évolution des éléments inconnus ou moins connus, comme le monde présent, le vent, la pente, un matériel différent de l’habitude, …
Mais plus on va pratiquer dans des conditions compliquées (pour éviter le mot extrême) et variées, plus il est important de prendre de bonnes habitudes.
N’oubliez jamais qu’une mauvaise habitude se perd difficilement !
Et un protocole est une méthode qui doit-être adaptable à TOUS les types de vols. Que ce soit un vol biplace, un vol solo, sur site, un vol rando, … Il faut que le protocole fonctionne toujours !
Dès que vous ne pouvez plus appliquer votre protocole habituel, votre attention doit augmenter.
Une page sur la liste des bonnes conditions pour voler par l’école K2
Un lien vers le guide des bonnes pratiques du vol libre
En conclusion
Je pense qu’il est bon d’avoir des habitudes en vol libre. Pour autant qu’elles soient bonnes ! Et on ne pourra savoir qu’elles sont bonnes qu’en vérifiant que les différentes phases du vol se déroulent bien et en demandant à un moniteur ou aux membres de notre club d’analyser nos habitudes.
Une chose est certaine. Nous avons tous des habitudes. On ne peut donc pas aller contre elles. Il est donc préférable d’organiser au mieux nos habitudes et de ne JAMAIS lâcher notre attention sur celle-ci.
La plupart des erreurs, incidents ou accidents au décollage sont dues à des protocoles (check-list) mal construites ou mal appliquées. Alors au travail ! Point par point, réfléchissez sur vos habitudes. Organisez une réunion de club, parlez-en entre pilotes, …
Ecrit par Laurent Van Hille
Pour télécharger l’article Parapente + au format PDF
Notre sport est beau mais exigeant en matière de sécurité, ce que nous devons tous admettre. Ainsi, une préparation optimale nous est vitale.
Une bonne check-list, telle la fameuse MA VIE (détaillée ci après) fait partie intégrante de cette préparation. De plus, une formation durant laquelle le pilote aura appris à démêler ses suspentes, s’attacher dans sa sellette et attacher cette dernière à son parapente (en la détachant donc après chaque vol !) diminue grandement les risques d’erreurs. Même avec un facteur nouveau (de la neige par exemple), le pilote sera à l’aise pour se préparer en sécurité.
Quand à la check-list, elle doit être suivie dans son intégralité avant chaque vol. Si on est interrompu ou que l’on a un doute, on règle le problème puis on recommence la check-list depuis le début. De plus, il ne faut pas voir comme un échec de douter. Au contraire, en cas de doute, sur les conditions météo actuelles par exemple, il est préférable d’aller questionner un pilote plus expérimenté, que d’avoir un comportement dangereux.
Voici la fameuse check-list MA VIE exemple complet de check-list à apprendre par cœur et à faire avant chaque vol. Pour le biplace, les points M et A doivent en partie être complétés par le contrôle des mousquetons et attachés de son passager. Le reste est identique ! De plus, elle se fait juste avant de décoller, après avoir démêlé et bien préparé son parapente et s’y être attaché. Elle ne remplace pas les précédentes étapes !
M Matériel: mousquetons et maillons rapides bien fermés, parachute de secours contrôlé (goupilles bien en place, poignée bien fixée, volets de fermeture de la poche du secours tous bien fermés, selon les modèles de sellettes)
A Attaches: Cuisse gauche, cuisse droite, ventre, casque (le verbaliser !) certaines sellettes ont des attaches communes pour différents points, mais le verbaliser systématiquement diminuera le risque d’erreur en cas de changement de sellette !
V Vent: force et direction compatibles avec notre sport et le site d’envol choisi ? (d’où l’utilité d’effectuer la check-list juste avant de décoller !)
I Inspection – Centrage: la voile est-elle toujours bien étalée ou a-t-elle été repliée par un autre pilote ou un coup de vent ? N’y a-t-il pas un animal en train de marcher sur la voile ou de la renifler ? (ça s’est déjà vu !) Mes suspentes sont bien sûr le côté et pas crochées à une sangle de ma sellette ou à ma chaussure, … Suis-je bien centré par rapport à mon aile pour assurer un gonflage symétrique ?
E Espaces: espace au sol libre? Pas de parapente, spectateur, public, animal devant moi ? Espace aérien libre et dégagé ? Aucun aéronef en approche pour reposer au déco ? Point de non-retour (ou ligne de vie, point de décision) clairement défini selon chaque décollage (selon le terrain, le relief, le vent, le type d’aile utilisée, sa forme du jour (fatigue, soucis, …), ….
Si tous ces points sont contrôlés, effectuer alors toujours un décollage en trois phases (gonflage, contrôle (et décision avant le franchissement de la ligne de vie ou du point de non-retour), et enfin et seulement à ce moment là: accélération et décollage !
Dans le doute, si quelque chose n’est pas normal, une sensation n’est pas habituelle, on a une hésitation, … alors mieux vaut interrompre, se préparer à nouveau et décoller en sécurité. Note: L’utilisation d’un nouvel équipement, comme une nouvelle voile ou sellette ou même simplement de gros gants pour l’hiver par exemple, peut altérer la sensation que l’on aura. Ne pas hésiter à aller faire quelques gonflages avec votre nouvel équipement, sur une pente-école par exemple. Vous pourrez en vérifier la comptabilité et en serez rassurés lors de vos prochains vols.
Ne pas se laisser impressionner ou stresser par des pilotes attendant pour décoller. Une interruption de votre part leur sera bien moins dérangeante et leur prendra moins de temps qu’un accident suite auquel ils devront forcément venir vous aider à sortir votre voile des arbres voir appeler les secours si vous êtes blessé. De plus, un accident touche forcément les autres pilotes et ne les mets pas forcément dans des conditions mentales optimales pour voler eux-mêmes. Une interruption nette et franche (comme vous devriez l’avoir appris durant votre formation) n’est pas un échec mais une envie de faire encore mieux les choses, de manière encore plus sûre.
Attention enfin de ne pas vous laisser stresser par des spectateurs voir par votre passager si vous êtes en biplace. Les instructions aléatoires criées par des spectateurs non-initiés sont souvent source de doutes, et doivent souvent être ignorées. Ils vous crieront par exemple de courir ou de vous arrêter parce que c’est leurs envies ou leurs craintes qui parleront, sans aucune connaissance de la réalité de notre discipline. Vous êtes le seul maître à bord, vous connaissez mieux votre sujet que votre public. Un ultime contrôle, attente de vent optimal voir une interruption sera même vu comme une attitude sûre, preuve de sécurité, indispensable à la bonne pratique de notre sport.
Finalement, n’oubliez jamais que si vous avez un accident, en voulant vous surpasser pour impressionner la galerie par exemple, ou même vous dépêcher de décoller pour ne pas faire attendre un autre pilote, c’est VOUS et vous seulement qui en assumerez les conséquences et passerez peut-être de longues journées ou de longs mois à essayer de vous en remettre. Vos amis pilotes ou spectateurs ne passeront alors au mieux que brièvement vous rendre visite, entre deux beaux vols, voir vous oublieront dans une indifférence générale.
Dans notre discipline, des réflexions du genre « ça devrait le faire » ou « ça l’a fait les autres fois, pourquoi pas cette fois ? » sont à proscrire. Les conditions sont parfaites et on y va en sécurité, ou on a un doute et on renonce. Toute prise de risque inutile voir tout accident, en plus de nous mettre en danger, est négatif à l’image et à la durabilité de notre sport, ne nous faisant qu’une publicité négative. Un nombre croissant d’accident pourrait pousser nos différentes autorités à plus réglementer notre sport, et ce n’est aucunement ce que nous souhaitons.
Prenez donc le temps de vous préparer en sécurité, n’hésitez pas à demander conseil ou à renoncer si besoin, et n’oubliez pas la chance que l’on a de pouvoir pratiquer ce magnifique sport … en sécurité !
Bons vols !
Personnellement, je ne suis pas pour un système comme MA VIE. Et j’évite les certitudes sur la préparation type ou la checklist type.
D’autant qu’aujourd’hui il n’y a pas deux pilotes qui s’y prennent de la même manière. A chacun donc de trouver sa méthode pour sa sécurité.
Laurent
Bonjour, merci beaucoup pour cet article. En tant que débutant, cela me fait bien prendre conscience de tout le travail et la réflexion nécessaires en amont du vol. J’ai n’ai pas bien saisi la nuance entre checklist et prévole (est-ce que cette dernière ne fait pas partie de la checklist?). Merci pour votre travail.