Il n’est jamais trop tard…
J’ai mis du temps à m’intéresser aux biais cognitifs, aux facteurs humains. Pour ma génération (j’ai 50 ans), c’est tout nouveau. Et il faut donc faire une vraie démarche pour changer sa vision des choses. Dans cet article je vais essayer de vous expliquer le « déclic » qui m’a permis de ne plus dire « Ils nous saoulent avec leurs biais cognitifs »
Ce n’est qu’une introduction aux prochains articles. En espérant que cet article vous donne envie de vous intéresser au fonctionnement de notre cerveau, la partie non maîtrisée de notre cerveau.
Je suis membre de la CTS (Commission Technique et Sécurité) depuis plus de 10 ans. J’y suis rentré dans l’espoir un peu vain de faire changer un peu les choses. Espérer faire diminuer l’accidentologie.
Quand je me relis, je trouve ça prétentieux.
C’était prétentieux parce que je suis arrivé avec une idée fixe qui ne m’a presque pas quitté : en parapente, on manque de formation !
Je peux vous donner plein d’exemples…
- Un pilote décolle à 14 h 00 avec un niveau brevet de pilote initial… Donc manque de connaissance aérologique.
- Deux pilotes se rentrent dedans devant le décollage… Donc absence de connaissances des priorités.
- Un pilote finit sous le décollage sans jamais avoir eu les pieds qui quittent le sol… Eh bien manque de pratiquer au sol.
- …
Et ce François Pichard, dit Pitch qui trouvait toujours de bonnes excuses à chacun de ces pilotes. Qui « se cachait derrière ses biais cognitifs ». Ça m’énervait !!
J’ai fini par ne plus pouvoir entendre ces mots. Ni « facteurs non techniques », ni « biais cognitifs ». C’étaient des excuses pour ne pas voir l’évidence selon moi !
Oui je sais c’était très prétentieux ! Je ne le dirai jamais assez.
Mais j’ai changé de point de vue. Depuis quelques mois seulement. Et ce qui m’a fait changer de point de vue, c’est l’article de Mccommon qui m’a fait réfléchir. J’en ai écrit un article adapté au parapente. C’est l’élément déclencheur.
C’est plus facile de comprendre, ou d’accepter, quand on parle d’un domaine qu’on ne connaît pas ou qu’on maîtrise moins. Dans le parapente, une carrière de 30 ans d’enseignement m’a rempli de certitudes… De fausses certitudes 😉 qui m’ont empêché d’accepter une évidence.
J’ai longuement lu les différentes versions de cet article qui traite des risques d’avalanches et des différentes raisons qui peuvent faire que des skieurs expérimentés ignorent les risques alors qu’ils sont tout à fait aptes à les mesurer.
Alors je me suis dit que Pitch (François Pichard), était certainement la personne la mieux placée pour m’expliquer. Me faire comprendre. Il est passionné par le sujet.
Et la première chose que j’ai comprise, sans laquelle on ne peut pas avancer sur les biais cognitifs ou facteurs non techniques, c’est d’accepter que notre cerveau nous joue des tours et que c’est son fonctionnement normal, qu’il nous est impossible d’abandonner
C’est le point de départ sans lequel nous n’avons pas envie d’aller plus loin.
Pourquoi ai-je refusé cette évidence ?
Je crois qu’il y a deux raisons à cela. La première je l’ai rapidement abordée juste au-dessus. J’ai besoin de pouvoir expliquer clairement les causes d’un accident. Je me suis toujours concentré sur les faits. Ils ont cet avantage de permettre de trouver des causes et donc des solutions.
Exemple :
Les statistiques montraient en 2019 que la chute en avant en pente école et au décollage était la cause première d’accidents en école. Les causes, c’est une mauvaise gestion du tangage. Les conséquences, la CTS en a parlé dans toutes les écoles afin d’éviter que les voiles passent devant.
C’est clair, facile et on peut même comparer les années après pour savoir si le message est bien passé. Bref pourquoi chercher plus loin ?
- Parce que certains accidents arrivent chaque année et parfois avec de très bons pilotes, très expérimentés, (qui gèrent bien le tangage …) et consciencieux dans leur pratique.
Autre exemple :
Chaque année, des pilotes oublient de s’accrocher avant de décoller. Chaque année ou presque il y a des exemples tragiques. Les constructeurs ont réfléchi au problème. Les instances fédérales ont réfléchi au problème. Les écoles ont réfléchi au problème. Il y a des panneaux sur les sites, des informations qui circulent, des centaines de checklist sensées nous rappeler ce point élémentaire qui est de nous accrocher. Pourtant, chaque année il y a des pilotes qui ne s’accrochent pas.
Donc ce qui est factuel ne permet pas de tout expliquer !
La deuxième raison qui a fait que je refusais cette évidence, c’est qu’on entend dire qu’on ne peut rien y faire ! Du moins c’est comme ça qu’il faut l’accepter. Alors ce n’est pas tout à fait vrai, on va le voir. Mais s’entendre dire, « ton cerveau va te jouer des tours et c’est normal », eh bien ça ne me va pas du tout !
Voilà donc probablement pourquoi j’ai refusé de croire qu’on pouvait trouver une excuse à un pilote qui avait posé hors terrain ou qui avait raté un décollage.
Quelques exemples qui devraient vous aider à comprendre que le cerveau peut nous tromper, malgré notre conscience.
Alors il y a des centaines, voire des milliers de manières avec lesquelles notre cerveau peut nous surprendre. Nous tromper… en interprétant « à sa guise », ou en se refusant à faire 2 choses à la fois. Ici on va juste voir quelques exemples visuels. Juste pour vous démontrer que vous pouvez vous duper vous-même.
1° quelle est la fille la plus grande ?
Elles sont identiques en fait.
Combien y a-t-il d’allumettes ?
En fait ni 5, ni 7 Aucune n’est « fermée » des deux côtés.
Et là, quel est le sens de cette forme en 3D ?
Enfin regardez les couleurs de la case 1 et 2 sur l’échiquier
En réalité, elles sont de la même couleur.
Une petite conclusion
Le cerveau fait des choix dans certaines situations. En général, il fait ça pour « gagner du temps ». Ici on ne parle que d’effets d’optiques où le cerveau « interprète à sa guise ». Juste des exemples. On pense maitriser tout, mais non !
Notre cerveau peut nous tromper de bien des manières sans que nous nous en rendions compte. La première démarche pour comprendre son fonctionnement, c’est d’accepter qu’une partie de son fonctionnement nous échappe. Cette partie que j’ai eu du mal à accepter : Tu ne peux rien y faire ! (*)
François explique les choses autrement. Je le cite :
« Nos décisions sont conduites par un processus intuitif, réflexe, qui échappe à notre conscience, qu’on ne maitrise pas, et par un processus de raisonnement, de « calcul », propre au conscient ».
Pour pouvoir aller plus loin, on est obligé de comprendre et d’accepter cela. A partir de là, on va pouvoir commencer à étudier les biais cognitifs différemment. A dissocier le conscient du non maitrisé et à analyser l’interaction qu’ils ont l’un et l’autre. Ça sera l’objet des prochains articles.
(*) En réalité le tableau n’est pas aussi noir. On peut apprendre à reconnaître les situations qui peuvent représenter des risques. L’idée des prochains articles.
Voici un dernier exemple :
Il y a deux équipes de 3 personnes. Une équipe en blanc et une autre en noir. Concentrez-vous et comptez le nombre de passes faites par l’équipe blanche entre elles. A la fin, donnez votre réponse.
Voici le lien sur YouTube : https://youtu.be/-VnhNf9DeQA
Alors ? Souvenez-vous ! La tâche qu’il estime principale d’abord, l’accessoire à ses yeux après !
A bientôt pour un nouvel article basé sur un cas concret.
Bonjour et merci pour cette bonne leçon !!
Le pire c’est que j’avais déjà vu la vidéo… mais que je l’avais oubliée…
Alors, inquiétant ou très inquiétant ?