Introduction
Le gradient de vent parapente est certainement l’excuse la plus utilisée en cas d’atterrissage raté. C’est toujours la faute de ce gradient de vent. J’ai même entendu des pilotes l’accusé d’avoir abîmé leur sellette alors qu’ils arrivaient vent arrière… ou d’autres dans une aérologie « démontée ».
Le gradient c’est un phénomène qui arrive. Mais quand on sait reconnaître les situations où il arrive, on peut anticiper !
Qu’est-ce que le « gradient de vent » ?
Le terme « gradient » signifie « différence ». Donc le gradient de vent, c’est la différence ou variation d’intensité de vent à deux altitudes différentes.
Sur la photo ci-contre, on voit clairement la manche à air du haut tendue, tandis que celle du bas indique une vitesse de vent bien moins soutenue.
Mais pourquoi ? Imaginez un bloc de feuilles sur une table et appliquez une force sur le haut .
Les feuilles du haut vont se déplacer, tandis que celles contre la table ne bougeront pas. Elles ne bougent pas parce qu’elles « frottent » contre le sol.
On observe bien ce phénomène à la plage. Debout, on sent la brise sur le visage, mais couché, la vitesse de déplacement est quasiment nulle. Ce qui augmente la sensation de chaleur.
Gradient VS turbulences
Le gradient devient vite l’explication « fourre tout » des atterrissages ratés.
- La voile shoote? C’est le gradient !
- L’arrondi est « moyen » ? C’est le gradient !
- J’ai fini sur les fesses ? C’est le gradient !
- …
Mais il ne faut pas confondre gradient et turbulences. Ca n’a juste RIEN à VOIR !
Le gradient c’est :
Une baisse progressive du vent à mesure que l’on descend vers le sol. Plus on se rapproche du sol, moins le vent (horizontal) est fort. Et contrairement aux idées préconçues, le gradient est un phénomène qui apparaît sur les terrains sans obstacles. à la surface de l’eau, sur un terrain de golf, des champs fauchés… Un terrain lisse quoi !
Tout le reste, c’est de la turbulence !
Dès qu’il y a le moindre obstacle, ou que le terrain est accidenté, la formation de gradient est quasiment impossible. Une simple barrière de 50 cm de haut suffit à empêcher la formation de gradient. Une couche de turbulence apparaît près du sol et le gradient n’existe plus ! Le sol n’attire/ne retient plus l’air au-dessus de lui.
Et puis les pilotes confondent souvent une situation qui ressemble à s’y méprendre au gradient, mais qui est en réalité d’une ascendance passagère qui a tendance à faire ralentir l’aile tandis que le pilote avance encore. L’incidence augmente de manière importante, la vitesse relative aussi… Et l’aile doit shooter pour rechercher sa vitesse.
La grosse différence dans ce dernier cas, c’est que c’est un phénomène plus facile à contrôler lorsqu’on maîtrise un peu le pilotage actif. Il suffit d’arrêter l’aile au-dessus de la tête du pilote avant de lui rendre gentiment sa vitesse. Autrement dit, l’empêcher de shooter.
Le gradient n’arrive QUE sur terrain parfaitement lisse !
Et AVEC DU VENT, si ces deux conditions ne sont pas remplies,
IL N’Y A PAS DE GRADIENT
Mais il peut y avoir de la turbulence !
Que se passe t’il lorsqu’une aile subit le phénomène de gradient ?
Imaginons une aile qui vole à VMax bras hauts. Donc vers 37 km/h.
Lorsqu’elle entre dans un phénomène de gradient de vent, la vitesse du vent qu’elle rencontre diminue à mesure qu’elle descend.
Cela revient à retirer à l’aile une partie de son vent relatif. Un peu comme une rafale arrière (voir article « Les rafales« ). Elle va donc être en manque de vitesse-air.
Pour retrouver sa vitesse, elle va devoir « plonger ». Sans moteur, elle doit transformer de l »‘énergie potentielle (de la hauteur) en énergie cynétique (vitesse).
Alors que se passe t’il étape par étape lorsqu’une aile descend dans du gradient de vent ?
Sur le schéma ci-contre,
En 1, le pilote vole bras hauts, à VMax. Il demande donc à son aile de voler à 37 km/h. Comme elle ne subit aucune variation due à la masse d’air, elle vole bien à 37 km/h.
En 2, l’aile entre dans le gradient. Le pilote ne changeant pas sa position de commandes, on peut considérer qu’il lui demande toujours de voler à 37 km/h. Mais comme avec le gradient le vent de face diminue, son vent relatif baisse aussi. Il lui manque donc ± 5km/h pour voler au régime demandé par le pilote.
En 3, l’aile plonge (on dit aussi qu’elle shoot ou qu’elle fait une abattée) pour retrouver sa vitesse. Elle transforme donc l’énergie potentielle en énergie cynétique. Et cette abattée durera tant que l’aile n’aura pas retrouver un équilibre de vol.
Enfin en 4, à l’approche du sol, le pilote devra freiner d’autant plus rapidement que l’aile est devant devant lui. Le freinage est donc bien moins efficace.
La plupart du temps, le gradient c’est ça ! Rien de plus. Quelques km/h perdu à l’approche du sol et une aile qui shoot. Pour anticiper le gradient, il suffit d’arriver avec de la vitesse et de faire un freinage plus « vigoureux ». Davantage un freinage qu’un arrondi.
Selon l’importance du gradient (différence) de vent, il peut y avoir plusieurs phénomènes possibles :
1° On reste dans le domaine de vol
Donc le vent relatif diminue. Mais reste malgré tout au-dessus de la vitesse de décrochage. La voile doit aller chercher de la vitesse ! En l’absence de moteur, elle ne peut le faire que vers le bas ! Donc elle « shoote».
2° On sort du domaine de vol
Alors cette situation est rare ! Elle est en général due à une erreur de pilotage, lorsque le pilote vole trop au freins. Ou parfois à un très fort gradient. Personnellement je n’ai jamais vu une aile au régime Vmax décrocher lors d’une arrivée dans un phénomène de gradient.
Dans les deux cas :
VITESSE = SECURITÉ !
Merci pour ce superbe « éclairage », comme d’habitude bien documenté Laurent !:)
Alors ça me rappelle une expérience proche, la manche à air au décollage à moitié pleine et celle à l’atterrissage 400m plus bas plutôt en berne…là on a du gradient je suppose, surtout qu’à mi hauteur, vent arriere j’avais du vent dans le dos vu le défilement par rapport au terrain…et du coup je me suis laissé dériver un peu loin avant l’étape de base, (erreur d’inattention temporaire), récupéré juste à temps en finissant la trajectoire en V plutôt qu’en U, car je me voyais court, passage entre 2 cimes d’arbres avant que ça ne revole un peu pour atterrir finalement et me pose avec un arrondi marqué. Cela m’a beaucoup appris pour les futures approches…
Bonjour
Sur 400 mètres de dénivelé, je ne dirais pas que c’est du gradient. Le gradient c’est vraiment les quelques mètres au-dessus du sol.
Laurent
Salut,
A la lecture de la décomposition du gradient, la rafale de 5km/h est à mon sens dans l’autre sens.
La somme vectorielle n’est pas bonne sinon.
Personnellement je considère le gradient comme une rafale vent arrière
Merci en tout cas pour cette super explication.
Bonjour
C’est le sens de la rafale ou le terme rafale qui est mauvais, vous avez raison.
DU coup, j’ai changé le sens. Ca devrait-être plus clair maintenant.
Laurent
Le gradient se rencontre aussi au décollage : la voile rencontre du vent de plus en plus fort pendant qu elle monte. Dans ce cas il faut avoir une gestuelle très fine aux commandes, baisser les mains le moins possible. Chaque coup de frein augmente la rfa et donc le risque de se faire arracher. Il faut aussi savoir courir vers l aile pour lui soustraire du vent relatif.
Oui tout à fait. C’est un paragraphe que je vais ajouter. Là-dessus et sur le gonflage « cobra ».